1. [A. Protonotarios], – qui au temps du régime militaire m’avait très confidentiellement avoué la difficulté de sa position personnelle – juge le retour du régime démocratique à Athènes à la fois inespéré (opéré sans effusion de sang) et dramatique compte tenu du contexte d’humiliation nationale3 dans lequel il intervient.
Dans de telles conditions, ce dont, pour reprendre les propres paroles de [A. Protonotarios], «la Grèce a surtout besoin c’est d’un appui moral qui aide son retour au sein de la famille démocratique européenne.»
Certes, poursuit [A. Protonotarios], le Gouvernement Caramanlis4 jouit d’un grand prestige, grâce notamment à la stature morale et aux compétences de son chef. Mais les problèmes auxquels il se trouve confronté sont immenses et l’avenir reste lourd d’incertitude. On ne sort pas facilement, du jour au lendemain, de sept ans d’une dictature caractérisée non seulement par l’arbitraire mais aussi par une étonnante incurie générale. Même les forces armées qui furent pourtant l’objet de toutes les sollicitudes, combien coûteuses, des colonels, se révélèrent lamentablement au-dessous de leurs tâches au jour de l’épreuve.
À cela viennent s’ajouter le sentiment de profonde frustration que suscite l’affaire de Chypre dans l’opinion et l’impression, vraie ou fausse, que le pays est abandonné par l’Ouest. Il est clair que cette réaction psychologique est exploitée à fond par l’extrême-gauche. C’est pourquoi il est urgent, souligne [A. Protonotarios], de rétablir et de renforcer tous les liens qui amarrent la Grèce à l’Occident.
2. S’agissant du Conseil de l’Europe, Athènes se prépare sans doute à y reprendre sa place5. En effet, à toutes fins utiles, un Premier Secrétaire de l’Ambassade de Paris a déjà été chargé de rouvrir la mission hellène à Strasbourg et un Représentant auprès du Conseil de l’Europe sera prochainement désigné. Sur le plan intérieur des instructions ont d’ores et déjà été données par le Ministre de l’intérieur6 pour préparer, sur le plan technique, des élections générales qui devront avoir lieu le plus tôt possible.
3. Mais, l’évolution de la situation va dépendre des aléas introduits par l’affaire cypriote. Les commentaires de [A. Protonotarios] permettent de penser que l’acceptation par Athènes de la proposition soviétique7 d’une conférence élargie répond en partie à des considérations tactiques. J’ai même retiré l’impression, en écoutant [A. Protonotarios], que son Gouvernement souhaiterait toujours un règlement dans un contexte plus réduit. Certes, le cadre étroit de Genève a apporté à la Grèce trop de désillusions pour qu’on puisse envisager une prochaine reprise des conversations à cinq8. Mais Athènes reste cependant ouverte à toute «formule pratique». Sur le fond [A. Protonotarios] a souligné la souplesse de la politique de son pays. Athènes réclame en effet le retour des forces en présence, non sur la ligne du cessez-le-feu ordonné par le Conseil de sécurité, mais sur celle pourtant plus favorable aux Turcs, qui fut arrêtée lors de la première Conférence de Genève9.
[A. Protonotarios] va même plus loin, il met en évidence une récente déclaration de M. Clerides aux termes de laquelle une solution de type fédéral pourrait être envisagée à condition que le problème des réfugiés grecs soit préalablement réglé, ce qui impliquerait le retour de ces derniers dans leurs foyers. Ce qu’il y a de très intéressant dans cette proposition c’est qu’elle fait apparaître que la solution d’une question humanitaire, comme celle des réfugiés10, permettrait de déboucher sur l’amorce d’un règlement problème politique.