dodis.ch/39066 L’Ambassadeur de Suisse à La Havane, S. Masnata, au Chef de la Division des affaires administratives du Département politique, A. Janner1

PERSONNEL DE CHANCELLERIE DES INTÉRêTS ÉTRANGERS

Je me réfère à votre lettre du 21 juin2 et vous remercie de vos explications. Je connais et comprends parfaitement les difficultés du Département concernant le personnel. Puisque vous me dites que vous ne pouvez remplacer MM. Mägli et Hunkeler avant octobre, je ne puis faire autrement que de m’incliner, sachant que ce n’est ni la compréhension, ni la bonne volonté qui manquent à la Centrale. Je voudrais toutefois me permettre de faire remarquer que le Département, pour les raisons de politique générale que vous connaissez, a toujours attribué une certaine importance à pouvoir accepter la représentation des intérêts étrangers3. Il faut par conséquent que le Département se donne les moyens de sa politique. Je comprends qu’il y ait des problèmes d’effectif, mais on m’a dit récemment à Berne que les candidats s’étaient fait beaucoup plus nombreux dernièrement et que le Département pouvait à nouveau se permettre de faire un choix. En outre je crois me rappeler qu’il y eut des périodes au cours desquelles ce n’était pas les candidats qui manquaient mais les crédits. Or les frais de représentation des intérêts étrangers ne sont pas supportés par la Suisse. On ne peut évidemment prévoir des années à l’avance si et dans quelles proportions la Suisse devra représenter des intérêts étrangers. Il me semble toutefois qu’on devrait tenir meilleur compte de cette fameuse «disponibilité» de la Suisse à se mettre au service des autres. Le Département des finances, le Conseil fédéral et le Parlement devraient donc comprendre que pour faire face à ses obligations, le Département politique devrait disposer de plus de personnel, même s’il en coûte quelque chose à la Confédération dans une période «creuse».

Si le pont aérien Varadero-Miami4 a cessé de fonctionner, les employés qui s’en occupaient ont été licenciés. Or pour le reste le travail n’a nullement diminué, alors que l’effectif des fonctionnaires suisses a été abaissé d’une unité par le départ de Mlle Läuffer. La représentation des intérêts des États-Unis continue à donner lieu à des tâches multiples et délicates: rapatriement de citoyens américains5, visites aux prisonniers6, aéronefs ou bateaux en perdition7, etc. Actuellement la représentation des intérêts de l’Argentine8 et du Vénézuéla9 nous cause un surcroît de travail. Il y a une colonie relativement nombreuse d’Argentins et de Vénézuéliens qui tout à coup se présentent à la chancellerie des IE pour régler toute sorte d’affaires consulaires devant la reprise des relations entre Buenos Aires et La Havane et l’imminence d’une reprise entre Caracas et La Havane.

Ceci dit, j’en viens au transfert de M. Häni et à son remplacement par M. Crivelli. Vous voudrez bien me pardonner si je vous dis franchement qu’en ce qui me concerne personnellement je ne puis en aucun cas consentir à ce que M. Häni s’en aille avant l’arrivée de M. Crivelli. Je ne puis prendre cette responsabilité ni vis-à-vis du Département ni envers les autorités américaines. M. Häni est l’adjoint et le suppléant de M. Hugentobler. Il remplit une tâche très délicate, qui ne comporte pas seulement la direction d’une chancellerie, mais une série d’autres activités: nombreux contacts avec les autorités cubaines, visites de prisonniers, etc. Notre mandat américain a jusqu’à présent donné des résultats positifs10. Il est de mon devoir d’attirer votre attention sur le fait que ce n’est pas le moment de prendre des risques. Quelles que soient ses qualités personnelles et ses capacités professionnelles M. Crivelli sera complètement perdu devant une tâche à laquelle il n’est pas préparé. Il me paraît indispensable que M. Häni puisse le présenter aux autorités cubaines avec lesquelles il devra traiter et l’introduire dans le dédale des différents problèmes dont il devra s’occuper. Nous ne devons pas nous imaginer que le mandat américain est d’ores et déjà terminé, ce qui est loin d’être le cas. C’est à mon avis une erreur à ne pas commettre. Je suggère donc que si M. Crivelli arrive à mi-novembre, M. Häni soit autorisé à rester jusqu’à début décembre de façon qu’ils puissent travailler ensemble pendant au moins deux semaines11.

En outre, comme je ne vois aucune mention de la langue anglaise sur la feuille d’état personnel de M. Crivelli, je vous serais reconnaissant d’inviter mon futur collaborateur à faire au besoin durant les quelques mois qui lui restent, une étude intensive de cette langue, indispensable pour comprendre les textes et instructions qui viennent de Washington.

1
Lettre (copie): CH-BAR#E2024A#1993/354#1079* (a.231.1).
2
Lettre de J. Bourgeois à S. Masnata du 21 juin 1973, CH-BAR#E2024A#1993/354#1080* (a.231.1).
3
Cf. DDS, vol. 26, doc. 22, dodis.ch/39248, note 3.
4
Cf. DDS, vol. 23, doc. 146, dodis.ch/30985, et le rapport de G. Kappeler du 1er février 1967, dodis.ch/33719.
5
Cf. la notice du Département politique du 22 juillet 1967, dodis.ch/33928.
6
Cf. DDS, vol. 24, doc. 133, dodis.ch/33716, en particulier note 9.
7
Cf. la lettre de F. Dufour à A. Fischli du 6 février 1969, dodis.ch/33736; la lettre de W. Bossi à P. Micheli du 17 février 1969, dodis.ch/33678; la lettre de S. Masnata à H. C. Cramer du 22 décembre 1971, dodis.ch/34512. Sur l’accord visant à empêcher les détournements d’avions, cf. la notice de E. Serra du 4 janvier 1973, dodis.ch/38899; la notice de H. C. Cramer du 23 février 1973, dodis.ch/39068 et la notice de S. Masnata du 4 juin 1973, dodis.ch/39069.
8
Cf. doss. CH-BAR#E2003-06#1990/7#32* (o.841.021).
9
Cf. doss. CH-BAR#E2003-06#1990/7#1998* (o.841.021).
10
Sur la représentation des intérêts américains à Cuba par la Suisse, cf. DDS, vol. 21, doc. 116, dodis.ch/15005; DDS, vol. 23, doc. 2, dodis.ch/30978; DDS, vol. 24, doc. 7, dodis.ch/33714; DDS, vol. 25, doc. 76, dodis.ch/34509, et la lettre de F. Schnyder à H. Rossi du 3 octobre 1973, dodis.ch/39070.
11
Pour le transfert de W. Häni à A. Crivelli en novembre 1973, cf. la lettre de S. Masnata à A. Janner du 25 juillet 1973, doss. comme note 2.