dodis.ch/38984 Notice pour le Chef du Département politique, P. Graber1

LA SUISSE ET LES NON-ALIGNÉS

1. La Conférence des Ministres des Affaires étrangères des pays non-alignés se réunira à Lima du 25 au 19 août 1975. L’Autriche, la Suède, la Finlande ayant été invitées à assister aux débats, alors que notre pays n’est pas invité, l’idée a été discutée au sein du Département d’envoyer à Lima un représentant de la Centrale avec mission de hanter les couloirs de la Conférence, de récolter des informations, d’établir des contacts utiles et de manifester ainsi l’intérêt de notre pays pour cette importante manifestation.

2. La Direction politique, compétente pour ce qui a trait à nos relations avec le mouvement des non-alignés, a estimé qu’une telle mission n’était pas opportune et que sa réalisation précipitée comportait plus de risques que d’avantages2.

De manière générale et à long terme, la Direction politique (Division II) considère cependant qu’il serait souhaitable que notre diplomatie manifeste un intérêt plus marqué pour les non-alignés3. Pour dissiper tout malentendu, précisons que, ce faisant, il ne s’agirait pas de cautionner, en quelque sorte, ce mouvement, en lui témoignant officiellement les faveurs ou les sympathies du peuple suisse, sur lesquelles nous ne sommes pas certains de pouvoir compter sans autres.

Il s’agirait plutôt de rechercher le moyen d’accomplir plus efficacement notre travail diplomatique, qui nous demande de nous adapter constamment aux situations nouvelles sur le plan international pour augmenter la qualité de notre information et pour établir de nouveaux contacts dans l’intérêt bien compris de notre pays.

3. La Suisse est intéressée à participer de manière active aux négociations internationales qui se préparent au titre du «dialogue» entre pays producteurs et consommateurs d’énergie. Il est significatif que, dans ce contexte, notre neutralité n’a pas été perçue comme un obstacle à une participation pleine et entière à l’Agence internationale de l’énergie4 ou à une collaboration active aux travaux par lesquels les pays industrialisés se concertent au sein de l’OCDE 5 . Au contraire, notre position officielle utilise précisément l’argument de notre statut et notre politique de neutralité pour appuyer notre candidature à la future Conférence de Paris sur le «dialogue»6 .

«Die Schweiz weist ein klares politisches Interesse an einer Teilnahme am Dialog auf, das sich insbesondere aus ihrem Neutralitätsstatut und ihrer Neutralitätspolitik ableitet7

L’argument peut être utilisé également dans le contexte des non-alignés. Si la neutralité nous permet de nous associer pleinement à la politique des pays riches, elle nous permettra aussi d’aller simplement écouter les débats des pays moins favorisés.

4. Il nous a semblé souhaitable de retenir comme hypothèse de travail une éventuelle approche suisse des non-alignés avec pour perspective la Conférence au sommet des non-alignés prévue à Colombo lors de la deuxième moitié de 1976.

Pour le moment, les instructions8 ont été données à notre Ambassade à Lima, qui a été chargée de nous procurer la documentation nécessaire pour assurer notre information9. Nous pourrons ainsi étudier sans précipitation tous les aspects de la question de nos relations avec les non-alignés.

Si vous approuvez en principe l’idée que notre diplomatie devrait s’intéresser de plus près aux non-alignés, nous nous efforcerons de déterminer quelle serait la forme la plus appropriée pour établir un contact utile avec ce mouvement et quelle procédure devrait être retenue pour parvenir à nos fins. Cet examen préalable ne négligerait pas de prendre en considération certaines objections ou obstacles possibles: politique de neutralité, réaction de l’opinion publique, résistances de certains pays non-alignés (cf. Secrétariat technique de l’Algérie10!).

5. Les annexes ci-jointes font le point de la situation: A) Résumé11 de notre attitude à l’occasion de la Conférence d’Alger en

septembre 1973 B) Éléments nouveaux intervenus depuis 197312.

1
Notice: CH-BAR#E2001E-01#1987/78#706* (B.73.8.21). Rédigée par P. Luciri et signée par J. Iselin. La notice et ses annexes ont été envoyées à plusieurs représentations suisses à l’étranger. Pour une réaction, cf. la lettre de H. Hess à J. Iselin du 20 octobre 1975, dodis.ch/38990.
2
Cf. la lettre de J. Iselin à G. Fonjallaz du 8 août 1975, dodis.ch/38985.
3
Cf. la notice de P. Luciri à J. Iselin du 28 mai 1975, dodis.ch/38986. Pour l’attitude du Département politique à l’égard du mouvement des non-alignés dans les années soixante, cf. DDS, vol. 24, doc. 153, dodis.ch/32372.
4
Cf. DDS, vol. 26, doc. 110, dodis.ch/38752.
5
Cf. DDS, vol. 26, doc. 5, dodis.ch/39496.
6
Cf. DDS, vol. 26, doc. 184, dodis.ch/40609 et doc. 185, dodis.ch/40610.
7
Télégramme de P. Languetin à diverses ambassades et représentations suisses du 4 août 1975, dodis.ch/40761.
8
Cf. note 2.
9
Cf. la lettre de G. Fonjallaz à E. Thalmann, R. Keller et P. R. Jolles du 5 septembre 1975, dodis.ch/38989.
10
Sur les points de contentieux entre la Suisse et l’Algérie, cf. DDS, vol. 26, doc. 113, dodis.ch/38991.
11
Notice de P. Luciri du 19 août 1975, dodis.ch/38987.
12
Notice de P. Luciri du 19 août 1975, dodis.ch/38988.