dodis.ch/38910 Notice pour le Chef du Département politique, P. Graber1

ACTIONS DE SECOURS DE LA CONFÉDÉRATION AU SAHEL2

La sécheresse qui sévit depuis quelques années dans les six pays du Sahel3 (Haute-Volta, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal et Tchad), connue de l’opinion publique depuis quelques mois seulement, s’étend sur une surface correspondant à la moitié de l’Europe. Sur les 26 millions d’habitants que compte le Sahel, la moitié seraient affectés par la catastrophe, dont 6 millions gravement. Il s’agit essentiellement des nomades, dont 70% du cheptel a déjà péri. Parmi les causes très complexes de cette sécheresse4, on signale en premier lieu une diminution de 50% des précipitations au cours des cinq dernières années, ce qui a provoqué l’assèchement de très nombreux points d’eau, rendant de la sorte impossible toute irrigation des champs. Par ailleurs, le phénomène de l’avancée du désert en direction des régions cultivables n’est pas étranger à cette situation.

Les pays concernés figurant dans les statistiques des Nations Unies comme les pays les plus pauvres du monde ont dû avoir recours à la solidarité internationale pour combattre ce fléau. Outre les appels lancés par la Ligue des Sociétés de la Croix-Rouge, plusieurs agences bénévoles se sont engagées dans les différentes phases des secours d’urgence organisés en liaison étroite avec la FAO, désignée par le Secrétaire général des Nations Unies5 comme coordinateur de l’assistance apportée au Sahel6. Un plan général d’aide a été éla boré; il comporte les trois phases d’action suivantes: 1. Remédier aux besoins les plus urgents des populations, en écartant les

dangers de famine et d’épidémies (intervention dite de survie); 2. fournir aux populations frappées les moyens de se remettre au travail pour

assurer la prochaine récolte; 3. prendre les mesures voulues pour éviter le retour d’une telle catastrophe

(programmes à long terme, forage de puits, digues, etc.).

L’aide accordée jusqu’à ce jour au Sahel par la Confédération7 s’inscrit dans le cadre de la première phase, celle dite de survie. Tenue régulièrement au courant de la situation par ses Ambassades à Abidjan et Dakar, la Confédération faisait parvenir, dans une première étape, 70 tonnes de lait en poudre et une tonne de médicaments au Sahel. En outre, les enfants en bas âge étant les plus affectés par la sécheresse, un avion DC-8 était affrété pour transporter d’urgence au Mali et au Niger 144’000 doses, soit environ 38 tonnes d’aliments pour bébés grâce auxquels des centaines d’entre eux, qui souffraient de déshydratation très grave, purent être sauvés, ainsi que l’atteste une lettre officielle de la Croix-Rouge du Mali8.

Tout en octroyant ces premiers secours, la Section des oeuvres d’entraide internationale élaborait, cette fois avec le Délégué du Conseil fédéral aux missions des secours en cas de catastrophe à l’étranger9 et en collaboration avec la Croix-Rouge suisse, un plan d’action de plus grande envergure, prévoyant l’utilisation de deux avions et l’envoi d’une équipe de six personnes10. Bien que le corps de volontaires en soit actuellement encore au stade de la formation11, donc pas encore opérationnel, cette nouvelle action devait offrir à quelques experts l’occasion d’étudier les aspects techniques d’une telle opération et leur permettre de tester les capacités des moyens de transport utilisés12. L’objectif principal de cette nouvelle action était d’atteindre rapidement, par une livraison aussi proche que possible des localités mêmes où les secours étaient les plus urgents, ceux auxquels ils étaient destinés. L’opération ne pouvant être étendue à l’ensemble des régions du Sahel, il fut décidé de la concentrer sur le Mali et la Haute-Volta13. Vu l’absence sur place de moyens de transport suffisants, une seule solution: disposer de nos propres moyens de transport14. La Confédération affrétait dès lors dans ce but deux appareils: un DC-8 transportant 38 tonnes de secours, avec pour mission de déposer sa cargaison sur les aérodromes de Bamako (Mali) et Ouagadougou (Haute-Volta); un Herculès transportant 23 tonnes de secours, avec la mission de les distribuer, de même que celles transportées par le DC-8, sur six aérodromes éloignés de tout centre, mais proches des zones affectées.

L’opération, dont le plan de vol était confié à la compagnie Balair15, s’est déroulée en quatre jours, conformément au programme établi16. Outre les vivres et médicaments apportés de Suisse, l’appareil Herculès a pu assurer encore le transport de 20 tonnes de sorgho pour le compte du Gouvernement malien. Au terme de sa mission, l’Herculès devait en outre se rendre à Abidjan, afin d’y charger 20 tonnes de lait en poudre achetées sur place par la Confédération et destinées à la Haute-Volta. Au cours des différentes escales, la mission officielle suisse put ainsi répartir sur le terrain plus de 100 tonnes de secours. Partout elle fut chaleureusement accueillie par les autorités et représentants locaux de la Croix-Rouge, chargés de la distribution finale. Tous ont exprimé leur extrême reconnaissance à la Suisse pour l’aide très efficace ainsi fournie.

Cette opération a été une réussite aussi bien du point de vue de sa conception que de son exécution. Elle a permis au Délégué du Conseil fédéral aux missions de secours de tirer certaines conclusions qui, à n’en pas douter, lui seront très utiles lors des futures opérations du corps de volontaires17. Le comportement de l’avion Herculès, auquel on pourrait éventuellement avoir recours à l’avenir pour ce genre de mission, a notamment fait l’objet d’un examen particulier de la part d’un expert en matière d’aviation18.

Rappelons, en terminant, que la Confédération n’a pas manqué par ailleurs de répondre aux appels des Nations Unies (aide humanitaire multilatérale) en prenant à sa charge l’affrètement d’un avion transportant 38 tonnes de médicaments pour le compte de l’OMS, et en remettant d’autre part au PAM près de 5000 tonnes de céréales pour le Sahel19. Au total, l’aide de la Confédération aux pays concernés se chiffre actuellement à fr. 2’683’000 (voir tableau annexé)20.

Il sied de souligner que la situation est encore loin d’être redevenue normale et que cette zone dépendra donc, durant une assez longue période encore, de l’aide internationale. Dans ces conditions, la Suisse devra également poursuivre, sinon même intensifier, son aide humanitaire à cette région de l’Afrique21.

1
Notice: CH-BAR#E2003A#1988/15#663* (o.222). Rédigée par W. Mamboury. Signée par W. Mamboury et A. Bill. Visée par P. Graber.
2
Annotation manuscrite dans la marge: C [ommission des]A [ffaires]É [trangères]/ C [onseil des]É [tats]14. 8. C [onseil]N [ational]27. 8. Les actions de secours au Sahel n’ont pas été discutées pendant les séances, cf. doss. CH-BAR#E1050.12#1995/512#7* et CH-BAR#E1050.12#1995/512#16*.
3
Cf. la notice de W. Mamboury du 18 juin 1973, dodis.ch/39655.
4
Cf. le rapport de I. Cornaz du 26 novembre 1973, CH-BAR#E2005A#1985/101#1083* (t.811-01(7)).
5
K. Waldheim.
6
Cf. note 3.
7
Cf. la notice de R. Keller du 18 juin 1973, doss. comme note 1.
8
Cf. la notice de R. Keller du 24 mai 1973, doss. comme note 1.
9
A. Bill.
10
Cf. le rapport de W. Mamboury du 30 juillet 1973, dodis.ch/39656.
11
Sur la création du corps de volontaires, cf. DDS, vol. 25, doc. 79, dodis.ch/35193.
12
Cf. le rapport de A. Bill du 10 octobre 1973, dodis.ch/39665 et le PVCF No 1100 du 27 juin 1973, CH-BAR#E1004.1#1000/9#800*.
13
Cf. note 3 et le rapport du Délégué du Conseil fédéral aux missions de secours en cas de catastrophe à l’étranger d’août 1973, dodis.ch/40611, pp. 10 s.
14
Sur la discussion sur la disponibilité des moyens de transport aérien, cf. la notice de A. Brohy du 22 avril 1975, dodis.ch/38576.
15
Cf. le PVCF No 1625 du 1er octobre 1973, dodis.ch/38574.
16
Cf. le rapport du Délégué du Conseil fédéral aux missions de secours en cas de catastrophe à l’étranger d’août 1973, dodis.ch/40611.
17
Cf. DDS, vol. 26, doc. 103, dodis.ch/39121 et doc. 136, dodis.ch/39122.
18
Cf. note 16, pp. 21–27.
19
Cf. le rapport de W. Mamboury du 30 juillet 1973, dodis.ch/39656, pp. 7 s.
20
Pour le tableau annexé, cf. dodis.ch/38910.
21
Cf. note 17.