dodis.ch/38887 Notice du Chef du Service économique et financier du Département politique, J. Zwahlen1

AVOIRS BANCAIRES EN SUISSE DE L’EX-EMPEREUR D’ÉTHIOPIE2 PRÉPARATION DE LA VISITE D’UNE DÉLÉGATION ÉTHIOPIENNE

Un entretien a eu lieu, le 29 octobre 1974, sur l’affaire citée en marge avec M. Sarasin, Président de l’Associationsuisse des banquiers. Celui-ci était accompagné du Secrétaire de cette association, M. Oetterli. Participaient pour l’Administration fédérale, M. Markees de la Division de police et MM. Thalmann, Diez, Gelzer, Zwahlen et Rochat.

La discussion a confirmé les limites qu’impose notre ordre juridique à la collaboration active demandée par le Gouvernement éthiopien. On ne peut envisager de déroger, dans le cas particulier, à la pratique constamment suivie en la matière3. Il appartient au Éthiopiens de légitimer leurs droits et de les faire valoir le cas échéant dans le cadre de procédures judiciaires. On est conscient que cette forme restreinte de collaboration n’est pas celle que les Éthiopiens escomptent de nous.

Les entretiens envisagés avec la délégation éthiopienne sont confirmés4. Ils auront lieu sur trois plans, soit avec M. l’Ambassadeur Diez, avec M. Markees et avec les banquiers. Ces derniers prévoient un contact au niveau des conseillers juridiques des grandes banques.

Le soussigné situe le problème sur un plan politique plus général. De plus en plus fréquemment nos postes nous informent des attaques dont nos banques sont l’objet à l’étranger5. Les pays industrialisés sont isolés. Dans les enceintes internationales, le poids de ceux du tiers monde prédomine. Or ceux-ci critiquent notre système bancaire en général et notre secret bancaire en particulier. Ils accusent ce dernier de permettre à nos banques de couvrir des activités criminelles et de s’enrichir notamment au détriment des pays du tiers monde6.

Face à ces accusations, vraisemblablement souvent gratuites, nous sommes impuissants car nous ne pouvons pas les démentir ni les ramener à de plus justes proportions car nous-mêmes, à cause du secret bancaire, nous ne disposons pas de l’information nécessaire.

On doit de moins en moins écarter l’éventualité que ces violences de langage ne débouchent, un jour, en Éthiopie ou ailleurs, sur des violences tout court dont pourraient être victimes (au sens physique du terme) des membres de nos communautés à l’étranger. Le cas échéant, la réaction en Suisse serait défavorable et négative pour nos banques. Celles-ci ont donc intérêt à ne pas négliger cet aspect du problème. Il existe d’ailleurs déjà une certaine sensibilisation de l’opinion publique à l’égard du secret bancaire. Le postulat Ziegler sur les capitaux en fuite7 en est l’expression. La Commission Spühler sur la présence de la Suisse à l’étranger y est aussi sensibilisée depuis que les résultats de son enquête auprès de compatriotes et d’organisations suisses à l’étranger ont révélé que le secret bancaire était l’élément le plus négatif de l’image de notre pays à l’étranger8.

Le soussigné exprime dès lors le désir que, du côté des banquiers, cet aspect de la question soit attentivement examiné.

M. Markees émet les mêmes craintes quant aux dangers qu’une détérioration de la situation pourrait faire courir à nos compatriotes et à leurs biens en Éthiopie ou dans d’autres pays africains.

En dépit de ce qui précède, le point de vue juridique a prévalu: les craintes exprimées ne sauraient modifier la ligne de conduite à observer à l’égard des revendications éthiopiennes. Notre ordre juridique s’oppose en effet à tout compromis même s’il n’est pas à exclure que cette attitude puisse avoir des conséquences pénibles, voire douloureuses, pour nos compatriotes résidant en Éthiopie. C’est un risque qu’il convient d’assumer.

Commentaires du Service économique et financier

Comme nous connaissons matériellement des questions bancaires, nous ne pouvons nous satisfaire de ce constat trop exclusivement juridique de la situation. Aussi, rechercherons-nous les moyens pour relancer la balle dans le camp des banquiers.

À quelles accusations le DPF serait-il exposé, au plan intérieur, si des Suisses de l’étranger devaient souffrir physiquement en raison d’évènements dont la cause indirecte pourrait être attribuée aux banques suisses du fait de l’existence du secret bancaire.

Sommes-nous résolus à maintenir intégralement l’institution du secret bancaire ou voulons-nous commencer à réfléchir à l’intention du Département de justice et police à une éventuelle révision de la loi sur les banques sur ce point?

1
Notice (copie): CH-BAR#E2001E-01#1987/78#1001* (C.41.129.1.(20)). La notice a été trans mise à P. Graber.
2
Haile Selassie.
3
Cf. DDS, vol. 26, doc. 109, dodis.ch/38960, note 5. Sur le problème de la fuite des capitaux, cf. DDS, vol. 24, doc. 142, dodis.ch/33246, note 12.
4
Après avoir été reportés, les entretiens ont finalement été annulés par l’Éthiopie. Cf. doss. comme note 1. Sur le problème des avoirs bancaires de Haile Selassie, cf. aussi doc. 121, dodis.ch/38888, en particulier note 5.
5
Cf. p. ex. doc. 6, dodis.ch/35700. Cf. aussi doss. CH-BAR#E2001E-01#1987/78#993* (C.41.129.0).
6
Cf. p. ex. DDS, vol. 24, doc. 88, dodis.ch/33019.
7
Cf. DDS, vol. 24, doc. 175, dodis.ch/33035.
8
Cf. le rapport de la Commission de coordination pour la présence de la Suisse à l’étranger du 11 décembre 1974, dodis.ch/40558, p. 14. Sur la présence de la Suisse à l’étranger, cf. DDS, vol. 26, doc. 135, dodis.ch/40560.