1. L’enlèvement est survenu le 7 décembre à 08.45 heures (12.45 heures suisses)3. L’Ambassadeur se rendait en voiture à son bureau et a été intercepté sur la chaussée. Son garde4 du corps, blessé par les ravisseurs, est mort le jeudi 10 décembre. Le président de la Confédération5 a adressé un télégramme de condoléances au Président Medici6 et le Conseiller fédéral Graber à M. Barbosa7, Ministre des Affaires étrangères. Le Département a décidé d’octroyer 25’000 francs à la famille de cet agent.
2. Réactions du côté suisse:8 Le Département est intervenu immédiatement auprès de l’Ambassade du Brésil à Berne et, par son Ambassade, auprès du Gouvernement brésilien pour demander que tout soit mis en œuvre pour retrouver M. Bucher sain et sauf9. Un groupe de travail chargé de cette affaire a été constitué au Département politique. Des permanences ont été établies à Berne et à Rio. Le 8 décembre, à la suite d’une recommandation de la Commission des affaires étrangères du Conseil national, M. Max Feller a été nommé chef intérimaire de l’Ambassade à Rio. M. Feller est arrivé à Rio le 9 décembre. Le 11 décembre un fonctionnaire supplémentaire venant de Berne, M. Ammann, a été attribué à l’Ambassade10. Le Département a eu des contacts avec plusieurs gouvernements étrangers. De hauts fonctionnaires algériens ont fait savoir spontanément à notre Ambassade à Alger qu’ils étaient prêts à user de leur influence pour obtenir la libération de M. Bucher11. L’Algérie serait d’autre part disposée à accueillir les prisonniers brésiliens dont la libération serait demandée en échange de celle de M. Bucher. Nos Ambassades respectives ont eu des contacts avec le «Foreign Office» et l’«AuswärtigesAmt». Ce dernier (voir télégramme de Cologne12) nous a fourni des indications sur le déroulement des tractations survenues entre Bonn et Rio lors de l’enlèvement de l’Ambassadeur von Holleben13.
3. Réactions du côté brésilien: Dès le premier jour, le Chef14 de la délégation à Rio du Ministère des Affaires étrangères assura M. Roch que le Gouvernement brésilien mettrait tout en œuvre pour obtenir la libération de M. Bucher. D’importantes forces de police commencèrent immédiatement les recherches. Des gardes supplémentaires ont été attribués à MM. Feller et Roch.
4. La situation actuelle: Les autorités brésiliennes ont reçu de nombreux messages de différentes organisations révolutionnaires qui toutes demandent la libération d’un certain nombre de prisonniers politiques. Elles posent quelques autres conditions, en particulier la publication par le Gouvernement d’un manifeste. Aucune confirmation de notre Ambassade ne nous est cependant parvenue concernant l’existence de ces conditions. Les listes de prisonniers à libérer qui ont été fournies étant différentes, des appels ont été lancés aux ravisseurs leur demandant de présenter une liste authentifiée par la signature de M. Bucher.
Au cours des entretiens qu’il a eus le 12 décembre avec l’Ambassadeur Feller (voir télégramme No 12015), le Ministre des Affaires étrangères a déclaré que le Gouvernement avait décidé d’accepter les conditions des ravisseurs pour autant qu’elles ne soient pas humiliantes pour le Brésil. Le nombre des prisonniers à libérer ne jouerait pas un rôle important à cet égard. Il manque cependant toujours une liste précise.
Le Gouvernement brésilien est sensible aux critiques que lui adressent la presse suisse ou des particuliers comme le professeur Beck (voir télégramme No 120). Le Ministre des Affaires étrangères a demandé formellement à M. Feller
«alles im Rahmen des Möglichen zu tun, dass gerade in jetziger delikaten Phase, in der sich Bemühungen um Befreiung Buchers befänden, negative Äusserungen in Schweiz gegen brasilianische Regierung unterbleiben. Sie wären Wasser auf Mühlen derjenigen, die Standpunkt vertreten, dass Zeitpunkt gekommen sei, sich nicht mehr länger erpressen zu lassen, da Eskalation jetzt zu weit gehe. Wenn Entführungswelle nur mit Opfern zu stoppen sei, so müssten sie eben, so bedauerlich dies sein möge, gebracht werden.»
Relevons à ce propos que M. Micheli est intervenu, le 12 décembre, auprès du sous-directeur de la SSR, M. Carl, pour demander que la télévision s’abstienne de faire état d’opinions qui pourraient vexer le Gouvernement brésilien16.
D’après M. Feller, le Président Medici et les ministres civils, dont celui des affaires étrangères, ont emporté la décision lorsqu’il s’est agi de choisir de céder aux ravisseurs.
Selon les derniers télégrammes arrivés dimanche de Rio (voir télégrammes N os 121 et 12217), les journaux feraient état d’une liste de 72 noms, dont celui de Jean-Marc von der Weid18, qui serait actuellement examinée.
Jusqu’à présent, trois lettres19 de M. Bucher sont parvenues aux autorités brésiliennes, les 8, 9 et 11 décembre. Nous ne possédons que le texte de celle du 9 décembre. Celle du 11 confirme, selon notre Ambassade, que M. Bucher est bien traité20.