dodis.ch/35520 Notice pour le Chef du Département politique, P. Graber1

GRÈCE ET CONSEIL DE L’EUROPE

I. La Suisse, tout en ne transigeant pas sur le principe du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales inscrits dans le Statut du Conseil de l’Europe, a adopté une attitude modérée dans l’affaire grecque2. En particulier, elle n’a pas été co-auteur du projet de résolution germanoscandinave condamnant la Grèce. Nous n’avons donc pas lieu de croire que nos relations bilatérales se ressentiront de ce qui s’est passé au Conseil de l’Europe.

II. Juridiquement le retrait de la Grèce ne prendra effet que le 31 décembre 1970. (En attendant cette date, la Grèce est privée de son droit de représentation).

Lors de sa prochaine réunion le 2 mars à Strasbourg, le Comité des délégués des ministres sera appelé à se prononcer sur le rapport3 de la Commission européenne des droits de l’homme dans l’affaire grecque.

Le Secrétaire général4 a été chargé de faire au Représentant permanent de la Grèce5 la communication suivante:

«Le Comité des ministres constate que le rôle qui lui a été confié en examinant un rapport que la Commission européenne des droits de l’homme lui soumet en vertu de la Convention revêt un double aspect. D’une part et en premier lieu, la procédure qui se déroule devant lui devrait permettre à la partie ou aux parties au litige d’exprimer leur point de vue sur le fond de l’affaire; d’autre part et en second lieu, le Comité des ministres doit prendre position sur le fond de la question qui lui a été soumise. Alors que le Comité des ministres permettrait à la Grèce, partie au litige, de faire valoir par son Représentant dûment autorisé son point de vue sur le fond de l’affaire, il n’admet aucune participation de la Grèce au vote ou aux votes à prendre en la matière, étant donné qu’aucun représentant de la Grèce n’a plus le droit de siéger au Comité des ministres du Conseil de l’Europe.»

C’est notamment la délégation suisse qui a insisté pour que la Grèce fût appelée à participer aux débats la concernant6.

III. Nous n’avons pas encore éclairci tous les problèmes concernant l’examen de cette affaire. Il n’y a pas de précédent et c’est la première fois aussi qu’un État récuse la compétence de la Commission européenne des droits de l’homme et dénonce la Convention.

Le rapport de la Commission européenne des droits de l’homme est accablant pour la Grèce; moralement et politiquement il serait probablement impossible à la majorité7 du Comité des ministres de s’en distancer. Il est vraisemblable que la France s’abstiendra lors du vote en arguant qu’elle n’est pas partie à la Convention8; mais il serait contraire à la ligne de la position suisse d’imiter cette attitude. La Grèce ne pourra très probablement pas prévenir une condamnation, mais elle a sans doute un intérêt majeur à ce que le rapport de la Commission ne soit pas rendu public.

L’article 32 de la Convention prévoit qu’en cas de violation, le Comité des ministres fixe un délai dans lequel la Haute Partie contractante intéressée doit prendre les mesures qu’entraîne la décision du Comité des ministres. Si tel n’est pas le cas, le Comité des ministres donne à sa décision «les suites qu’elle comporte» (ce qui est évidemment très vague) et publie le rapport.

1
Notice: CH-BAR#E2003A#1984/84#361* (o.121.360). Rédigée par F. Pometta et signée par E. Thalmann. Visée par P. Graber.
2
Sur la position suisse concernant la Grèce, cf. DDS, vol. 24, doc. 69, dodis.ch/32480, en particulier note 19; doc. 186, dodis.ch/33247, en particulier notes 10 et 14; la notice de P. Micheli à W. Spühler du 20 novembre 1969, dodis.ch/32754; le PVCF No 328 du 18 février 1970, dodis.ch/36581 et la lettre de E. Thalmann à D. Gagnebin du 26 février 1970, dodis.ch/36583.
3
Rapport L’Affaire grecque de la Commission européenne des droits de l’homme de novembre 1969, CH-BAR#E2003A#1980/85#315* (o.121.360).
4
L. Tončić-Sorinj.
5
K. Panagiotakos.
6
Cf. la notice de F. Pometta à E. Thalmann du 13 mars 1970, doss. comme note 1.
7
Annotation dans le texte original: La majorité prévue est celle des deux tiers des représentants ayant le droit de siéger au Comité.
8
Cf. DDS, vol. 24, doc. 186, dodis.ch/33247, en particulier note 9.